Formul℞ Info
Année 25
Avril 2018
N° 1
Problèmes dermatologiques et soin de la peau chez la personne âgée
Introduction
Nous rassemblons dans ce FormulR/info, un ensemble de données pratiques concernant le soin de la peau chez la personne âgée et des problèmes dermatologiques.
Caractéristiques de la peau vieillissante$
Vieillissement intrinsèque: le vieillissement physiologique de presque toutes les parties de la peau, en dehors de toute influence extérieure. Les conséquences de ce vieillissement sont la diminution de la capacité de réserve physiologique et l’augmentation de la fragilité. La capacité de produire de la vitamine D diminue. Le vieillissement intrinsèque s’évalue le mieux sur les zones de la peau qui ne sont pas ou peu exposées au soleil.
Vieillissement extrinsèque: la partie du vieillissement cutané imputable aux facteurs externes. L’exposition aux rayons UV est de loin le principal facteur. Elle peut directement endommager l’ADN (UVB), ou par la création d’intermédiaires hautement réactifs (UVA). Suite au vieillissement (intrinsèque) les mécanismes de réparation de l’ADN sont plus difficiles et la capacité régénérative diminue. D’autres facteurs externes sont le tabagisme (à cause du stress oxydatif et de la diminution de la perfusion, plus de rides apparaissent, ainsi qu’une hyperpigmentation et un jaunissement – un lien dose-effet a été démontré pour l’apparition des rides), ainsi que la polution (particules fines, hydrocarbures aromatiques polycycliques, dioxyde de carbone, ozone), alcool,… Les facteurs externes opèrent des changements de la peau qui sans cela n’aura pas eu lieu (les lentigines par exemple, qui apparaissent suite à des années d’exposition au soleil). Ces facteurs extrinsèques peuvent aussi influencer le vieillissement intrinsèque (en diminuant l’intégrité du collagène cutané par exemple).
Les structures annexes de la peau vieillissent aussi. Le nombre de glandes sudoripares diminue avec l’âge. La capacité des glandes à réagir aux stimuli (comme l’adrénaline ou l’acétylcholine) diminue avec l’âge, ce qui contribue à l’amoindrissement de la thermorégulation. Ces changements semblent contribuer de façon importante au ralentissement de la guérison des blessures. L’activité des glandes sudoripares apocrines diminue avec l’âge (entraînant une diminution de l’odeur corporelle).
Il y a des gros changements au niveau de la pilosité. La pilosité axillaire et au niveau du pubis diminue, alors que chez l’homme on voit une augmentation de la pilosité des sourcils, des conduits auditifs externes et du nez. Chez les femmes il y a en général plus de pilosité sur la lèvre supérieure et le menton. Les cheveux sont plus fins et fragiles de manière générale et la production de sébum diminue de moitié. Ceci augmente le risque de xérose (sècheresse de la peau), mais aussi de certaines infections.
L’épaisseur de la couche de graisse sous-cutanée diminue et ceci pourrait également contribuer à la diminution de la thermorégulation. La protection contre les chocs s’en trouve également diminuée.
Signes cliniques du vieillissement de la peau
Rides
Les rides sont le signe clinique par excellence du vieillissement de la peau. Elles sont le résultat de la perte d’élasticité de la peau. On distingue les rides profondes et les rides superficielles. Les rides superficielles sont causées par des changements du derme et de l’épiderme, les rides profondes par des changements dermiques et hypodermiques.
Élastose
En cas d’élastice la peau est épaisse rugueuse et jaunâtre (peau citréïne de Milian). L’exposition aux UVB joue un rôle important. Il y a différents profils cliniques. Il y a d’abord la nuque rhomboïdale avec ses zones en losange classiques, définies par des plis profonds dans la nique, surtout chez les personnes qui ont été beaucoup exposées aux éléments. Il y a aussi l’érythrose interfolliculaire sur les parties latérales du cou, qui donne une coloration rouge-rose avec télangiectasies et de petites papules folliculaires (ressemblant à de la chair de poule). Autour de l’œil on trouve la maladie de Favre et Racouchot ou l’élastose nodulaire : une élastose avec de gros comédons noirs et des petits kystes nodulaires.
Fragilité
La fragilité accrue de la peau se manifeste entre autres par l’apparition de la purpura sénile de Bateman. Ces manifestations sont surtout proéminentes sur le dos de la main et les avant-bras et apparaissent après de très légers traumatismes ou même parfois spontanément. Elles disparaissent également spontanément.
Signes vasculaires
Les angiomes séniles sont des lésions en forme de points ou des tumeurs en forme de dôme sur le tronc. Les « lacs veineux » sont des lésions mauves sur les lèvres et l’oreille externe.
Troubles de la pigmentation
Il y a des hypo- et des hyperpigmentations: taches de rousseurs (éphélides) et lentigines
Lésions proliférants
La lésion bénigne la plus commune de la peau vieillisante sont les verrucae seborrhoïcae (sur le tronc), les glandes sébacées hypertrophiées (surtout sur le front) et les mollusca pendula (dans le cou, les aiselles et l’aine). Les lésoins pré-malignes et malignes communes sont surtout les kératoses actiniques ou séniles, et le carcinome basocellulaire. La kératose actinique peut évoluer vers un épithéliome spinocellulaire. Les mélanomes malins sont aussi communs. Ils se développent à partir d’un naevus existant ou de novo.
Altération des muqueuses
Quand la lèvre supérieure pend pardessus la lèvre inférieure, la perlèche ou chéilite angulaire peut apparaître. Ceci peut provoquer la croissance de toutes sortes de bactéries ou levures (en particulier Candida Albicans). Un dentier mal ajusté est souvent responsable de ces problèmes.
Xerose
La xérose ou la sècheresse de la peau est un phénomène très fréquent de la peau vieillisante: plus de 50% des personnes âgées ont la peau sèche
Prurit
Il est question ici du prurit chronique (plus de 6 semaines d’après la définition)
Le prurit chronique est perçu comme aussi difficile à supporter que les douleurs chroniques
Suite aux grattements des maladies secondaires peuvent apparaître. Des symptômes dermatologiques ne peuvent donc en aucun cas exclure une origine systémique
Rosacée
La rosacée acnéiforme est une éruption sans comédons, généralement symétrique, localisée sur le nez, les joues, le front et le menton. Pour le diagnostic et le traitement de la rosacée, veuillez-vous référer au chapitre Dermatologie du Formulaire Personnes Âgées et le guide de pratique sur la rosacée de NICE.
La peau vieillissante : soin de la peau saine
La base est un nettoyage doux et l’emploi de produits hydratants avec une teneur en lipides suffisante. Pour un nettoyage doux il faut éviter les savons classiques, les alkylsulfates et les alkylethersulfates (qui se trouvent également dans les produits lessives). On recommande les savons de substitutions qui n’attaquent pas le pH de la peau (les « syndets »). Ceux-ci contiennent des sulfosuccinates, des alkylglucosides, des betaines, des tweens et des alkanolamides. Si on utilise un savon malgré tout, il convient de prendre un savon surgras ou à la glycérine.
Les bains et l’exposition prolongée à de l’eau chaude mêlée à des tensides (ou surfactants) est à éviter. On conseille de plutôt rajouter au bain des produits à base d’huile ou d’amidon.
Après le nettoyage on peut employer des lotions et des crèmes hydratantes pour le corps. Les émulsions « eau dans l’huile » conviennent mais sont assez collantes et luisantes, car il s’agit d’eau dispersée dans de l’huile. Les formulations « huile dans l’eau » riches en huile sont plus souvent employées. Le choix de l’émulgateur qui permettra de mélanger l’eau et l’huile définit le type de crème. Les émulsions « huile dans l’eau » peuvent contenir des facteurs hydratants naturels : acides aminés, lactates, urée, sucres, sels minéraux et acide pyroglutamique. Les émollients à base d’huile, de graisses et de cires ont une place également. Ils rendent la peau moins rugueuse et limitent la perte d’eau, ce qui laisse la peau mieux hydratée. Il faut cependant rester sur ses gardes pour les chutes, dont le risque augmente avec un peau lisse
La peau vieillissante : soin des problèmes dermatologiques
Prurit
Le traitement du prurit doit être étiologique, autant que possible. De plus les situations qui augmentent les démangeaisons doivent être évitées, comme la température ambiante élevée, l’air sec et l’utilisation de produits de soin qui peuvent augmenter l’irritation de la peau (voir plus bas). Nombre de traitements topiques sont également disponibles.
Les émollients sur base de vaseline, paraffine liquide (huile de paraffine et glycérol sont recommandés. L’application se fait plusieurs fois par jour et de préférence peu de temps après s’être lavé (douche ou bain)
L’usage topique de corticoïdes peu puissants (en préparation magistrale ou non) est également recommandé
Outre les traitements topiques, il y a aussi certains traitements systémiques. Une recherche de la littérature a trouvé une petite étude randomisée sur un antihistaminique de première génération (oxatomide) dans le traitement du pruritus senilis
Pour les démangaisons dans le cadre de l’insuffisance rénale chronique la gabapentine et la prégabaline ont démontré une efficacité possible, par exemple la gabapentine (100 à 300 mg 3x/semaine) était efficace chez les personnes en insuffisance rénale
Pour les démangeaisons post-herpétique, seuls des rapports de cas ont été publiés
Ulcères veineux
L’insuffisance veineuse se voit fréquemment, et d ns les cas graves, des ulcères veineux peuvent se développer. Les escarres (de décubitus) se voient surtout chez les personnes alitées. Les mesures préventives sont : changer de position régulièrement, éviter les draps amidonnés ou rugueux, éviter de réchauffer et de laisser macérer la peau (occlusion ou surmatelas imperméables) et les savons agressifs. Pour de plus amples informations sur la prévention et le traitement des ulcères, nous vous renvoyons au NHG standaard Decubitus
Pemphigoïde bulleuse
La pemphigoïde bulleuse est une maladie auto-immune qui se voit surtout chez les personnes âgées
On considère souvent la maladie comme liée à l’usage de certain médicaments (furosémide, pénicilline, ibuprophène, penicillamine, spironolactone, diazépam et salazosulfapyridine), bien que les preuves sont relativement ténues. Caractéristique pour cette maladie est l’apparition de cloques « dures ». Elles sont localisées partout sur la peau, mais aussi sur les muqueuses orales et génitales. Le diagnostic est basé sur le profil clinique, une biopsie et (surtout) une immunofluorescence. Le traitement par corticoïdes oraux est avisé. L’effet (supprimer l’inflammation et faire disparaître les cloques) est souvent rapide, et la dose est ensuite diminuée. Comme dose de départ on recommande 0,75 à 1mg de prednisone / kg (ce qui correspond à à peu près 0,60 mg – 0,80 mg de methylprednisone/kg) dans les cas graves. Pour les cas plus légers, une dose inférieure suffit. Le risque de rechute pendant la phase de réduction est élevé. La durée totale du traitement es minimum un mois mais peut parfois être à vie. Pour les formes légères et modérées, appliquer des corticoïdes localement peut aussi avoir un effet positif. D’autres traitements complémentaires sont l’azathioprine et certains antibiotiques suite à leurs effets anti-inflammatoires (par ex. les tétracyclines). Il est souvent nécessaire de consulter un dermatologue.
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Responsable d’édition: N. Reusens
Rédacteur en chef adjoint: P. Chevalier
Rédaction: A. Chaspierre, L. Christiaens, T. Christiaens, B. Couneson, M. Hanset, M.A. Janssens, J. Lannoy, I. Leunckens, W. Staessen,
J.P. Sturtewagen, M.A. Van Bogaert, J. Van Elsen, C. Veys
Collaborateurs: D. Boudry, S. Vanderdonck
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